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Découvrir les auteurs francophones émergents à suivre absolument

Découvrir les auteurs francophones émergents à suivre absolument

Découvrir les auteurs francophones émergents à suivre absolument

Une nouvelle génération d’auteurs francophones

Le paysage littéraire francophone connaît une effervescence remarquable. Portés par des maisons d’édition audacieuses, les festivals littéraires et les réseaux sociaux littéraires, de jeunes plumes émergent et redéfinissent les contours de la narration contemporaine. À l’heure où les repères culturels sont en constante recomposition, ces nouveaux auteurs n’apportent pas seulement des récits, mais également une voix, une lecture du monde qui reflète sa complexité, ses tensions mais aussi ses espoirs.

Comment se repérer dans cette profusion de talents ? Quels noms retenir, quelles œuvres découvrir en priorité ? Après plusieurs mois passés à lire, interroger des libraires, écouter les signaux faibles de la critique et des lecteurs, voici une sélection commentée d’auteurs francophones émergents à suivre, que vous soyez flâneur curieux ou lecteur assidu.

Fatima Daas : l’intime comme matrice narrative

Autrice franco-algérienne née en 1995, Fatima Daas s’est imposée en 2020 avec La Petite Dernière, un premier roman confessionnel et percutant. Écrit à la première personne, le récit dévoile une identité fragmentée : musulmane, lesbienne, fille de banlieue, intellectuelle en devenir. Tout y est affirmé dans une écriture rythmée et répétitive, presque incantatoire. Ce n’est pas tant une autobiographie qu’un manifeste littéraire sur la fluidité des identités et la difficulté à se dire dans un monde codifié. Daas interroge – sans provocation gratuite – les regards posés sur soi et le droit à la nuance.

Ce qui intrigue surtout, c’est la manière dont elle conjugue l’intime et le politique. À travers une narration pudique mais incisive, elle force le lecteur à abandonner ses catégories de pensée toutes faites. Sa voix, originale et éminemment littéraire, ouvre une brèche dans la vision homogène que certains portent encore sur les banlieues ou la culture musulmane en France.

Kevin Lambert : la fiction comme outil de subversion

Écrivain québécois né en 1992, Kevin Lambert est souvent présenté comme l’enfant terrible des lettres francophones canadiennes. Son roman Querelle de Roberval (publié chez Le Nouvel Attila en France) s’attaque frontalement aux dérives économiques, à l’exploitation des classes populaires dans les régions industrielles du Québec, et glisse vers une fiction baroque, presque mythologique par moments. Le texte – inspiré de Jean Genet – fascine autant qu’il dérange.

Avec son dernier roman Que notre joie demeure (2022), Lambert affine encore sa maîtrise narrative et pousse un cran plus loin l’expérimentation stylistique, sans jamais sacrifier le fond. Il y interroge la gentrification, le pouvoir, la morale dans le monde des architectes, mais surtout l’ambiguïté contemporaine : peut-on agir pour le bien tout en profitant d’un système injuste ?

Lambert, c’est une voix acérée qui refuse le confort du consensus. Un auteur qui veut déclencher une forme de conflit intérieur chez le lecteur. Pari réussi.

Fann Attiki : la puissance de l’oralité

Le Congo-Brazzaville n’est pas le premier pays auquel on pense quand on évoque la scène littéraire francophone. Et pourtant, Fann Attiki, avec son roman Congo 50 (Éditions Présence Africaine, 2022), a frappé un grand coup. L’auteur, dans la lignée d’Henri Lopes ou d’Alain Mabanckou, travaille une langue à la fois soutenue et nourrie de rythmes oraux, de tournures populaires, un français nourri de créole et de verlan congolais.

Son écriture, virevoltante, poétique et joyeusement insolente, s’inscrit dans une tradition de satire sociale à la fois lucide et impertinente. Attiki ne se contente pas de raconter une histoire – il produit une langue, un espace imaginaire, un rythme. L’énergie de ses dialogues et la profondeur de ses personnages incarnent un renouveau littéraire africain qui refuse les clichés misérabilistes.

Anne-Sophie Subilia : l’introspection au service du réel

L’autrice suisse Anne-Sophie Subilia, née en 1982 mais révélée au grand public ces dernières années, travaille une littérature de l’épure. Dans Neiges intérieures (Slatkine & Cie, 2021), elle trace la solitude d’un marin arctique isolé après une mission polaire. C’est lent, précis, presque minéral. On y lit la nature comme un personnage, on y ressent le froid dans chaque mot. Mais au-delà du paysage, c’est la psyché humaine qui est cartographiée.

Subilia explore des thématiques peu médiatisées – le rapport au territoire, le silence, la mémoire – avec une rigueur presque scientifique. Chaque mot semble pesé, chaque détail est signifiant. Si vous aimez la littérature qui ne crie pas, mais qui continue de résonner longtemps après lecture, elle mérite toute votre attention.

Kaoutar Harchi : l’analyse sociologique sublimée par la fiction

Entre roman, essai et enquête sociale, Kaoutar Harchi creuse une veine singulière dans le champ littéraire contemporain. Franco-marocaine, docteure en sociologie, elle s’intéresse aux itinéraires d’écrivains issus de l’immigration postcoloniale, et questionne le rapport entre littérature et pouvoir symbolique, notamment dans son remarquable essai Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne.

Mais c’est avec son roman Comme nous existons (Actes Sud, 2021) qu’elle touche un plus large public. Cette autofiction interroge l’écriture elle-même : écrire, pour qui, pour quoi, avec quelles attentes sociales et quelles résistances ? Harchi, dans un style clair mais dense, cherche à comprendre comment certains récits restent invisibles, pourquoi le Français des marges dérange l’ordre littéraire établi.

Son travail est précieux car il permet de penser la langue comme un espace politique, mais sans jamais céder à la simplification ou à l’indignation facile.

Pourquoi ces auteurs comptent

On pourrait allonger la liste – et ce sera probablement l’objet de futures explorations. La scène contemporaine francophone regorge de talents : Dany Laferrière continue d’inspirer, Mohamed Mbougar Sarr (Goncourt 2021) confirme qu’une littérature africaine audacieuse existe bel et bien, Caroline Damas, Gaëlle Obiégly ou encore Néhémie Lélièvre montrent d’autres facettes du renouveau littéraire.

Mais les auteurs mis en lumière ici ont en commun une capacité à faire émerger des voix singulières, loin du mimétisme ou de l’effet de mode. Ils recomposent le lien entre forme et fond, entre subjectivité et réalité sociale. En les lisant, on comprend que la littérature n’est pas qu’une affaire de style ou de label éditorial : c’est un miroir tendu au monde, avec toute l’ambiguïté que cela suppose.

Comment les découvrir ?

Vous hésitez à franchir le pas ? Voici quelques pistes concrètes :

Ces lectures ne sont pas anodines. Elles prolongent, parfois bousculent, souvent enrichissent notre manière de penser l’autre, de penser le lien, de penser le monde. Et c’est précisément ce qu’on peut attendre de la littérature au XXIe siècle.

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